Le récit chronologique de notre séjour et de nos rencontres : 11 janvier 2017
A la table de "La Forêt", à Ouagadougou
Le 11 janvier 2017, les vols AF7665 et AF0524 nous ont transportés, Maïté, Azou, Evelyne, Véronique et moi-même, de Marseille à Ouagadougou en passant par Paris. Le premier contact avec la terre africaine dans le petit aéroport international de Ouagadougou est un contrôle d'identité long et en apparence redondant. Si le rendez-vous avec les soeurs de l'Annonciation de Bobo-Dioulasso fut provisoirement manqué, le Père Frédéric était bien là, comme prévu, avec Jeannette, l'ancienne mairesse de Koudougou, dont nous découvrions la pétulante personnalité. Il fait nuit. La lumière faible de la ville est tamisée par un voile spectral que nous attribuons à une poussière dont nous ne connaissons pas encore l'origine. Pour nous réconforter, Jeannette et le Père Frédéric nous convient au restaurant "La Forêt".
Le noviciat des soeurs de Saint Gildas à Kokologho,
au jardin planté de beaux arbres. Ici, un karité.
Nous arrivons en pleine nuit à Kokologho, après une heure de voiture pour franchir les 40 km qui nous séparent de la capitale, sans déceler toutes les boutiques qui bordent "le goudron". Les chambres sont prêtes au noviciat des soeurs de Saint Gildas, dans un bâtiment à un étage, dont nous découvrons l'aménagement simple et adapté au climat de l'Afrique de l'Ouest : pas de chauffage, ni d'eau chaude, des murs nus, des huisseries métalliques, pas de vitrages, un éclairage faible de tubes néons, mais des moustiquaires à toutes les ouvertures. Nous nous rendrons compte plus tard que les moustiques ne sévissent pas pendant la saison sèche. Ce n'est qu'au lever du jour que nous verrons apparaître la lumière de l'Afrique, dans le jardin du noviciat, couvert de fine terre rouge et planté d'essences pour nous à peu près inconnues.
Floraison du frangipanier, 12 janvier 2017
Soeur Hélène
Autour de la grande table de la salle à manger, nous partageons avec les soeurs le premier de ces réjouissants petits déjeuners qui seront, parmi bien bien d'autres, un des doux plaisirs des jours de notre séjour. Nous faisons la connaissance de nos hôtes, Soeur Hélène, la supérieure de la communauté, soeur Christine et la délicieuse soeur Odile dont la douceur et la force généreuse nous frappent aussitôt.
Le premier petit déjeuner
Nous avions tous remarqué les fleurs de bougainvilliers utilisées pour un bouquet d'accueil dans chacune de nos chambres, et tous les autres signes délicats d'une attention qui n'a jamais faibli durant tout le séjour.
Nous découvrons alors, de l'autre côté de la rue, en face du noviciat, la maison du Père Frédéric, achevée depuis peu après vingt ans d'économies, et d'allure plus cossue que les simples maisons traditionnelles que nous découvrirons plus tard. Toutefois, l'eau courante n'est pas encore arrivée jusque là, et il faut se contenter de l'eau apportée dans des récipients pour les tâches ménagères.
La maison du Père Frédéric à Kokologho
Léonard Kaboré
Chez le Père Frédéric, nous attend Léonard Kaboré, qui nous est présenté comme le président de l'association chargée de faire sur place le relais de notre projet d'école, et dont nous rencontrerons tous les membres un peu plus tard. Le père Frédéric a préparé un programme précis de notre séjour dans le diocèse de Koudougou, au cours duquel nous devrions pouvoir entrer en contact avec les autorités et les personnes concernées par la construction de l'école et susceptibles de nous renseigner et de conforter notre projet. Pour l'heure, ce jeudi 12 janvier, nous irons célébrer la messe avec le Père Frédéric, dans les locaux de la paroisse de Kokologho. Une première messe dans l'intimité de notre petite communauté, un peu inquiète de l'ampleur de la tâche mais le coeur touché par l'esprit de charité.
C'est avec une certaine timidité que nous abordons de plus près des habitants de Kokologho, dont certains se rassemblent ou se déplacent sur la grande aire qui entoure l'église et les bâtiments paroissiaux de Sainte-Thérèse de l'enfant Jésus. Il est plus facile de se rapprocher d'une jeune maman avec ses deux petits enfants, assis sur le sol à l'ombre d'un arbre. La petite fille se nomme Félicité et le garçon Antoine, et si la maman sourit de manière douce et engageante, les deux bambins nous regardent avec de grands yeux inquiets. Nous sommes un peu des intrus dans ce village d'Afrique, si différent et si réel à la fois. Ces petits nous enchantent.
Evelyne est prise par le charme du joli tableau
Le village de Kokologho abrite Près de 40000 personnes réparties sur l'ensemble de ce qui constitue administrativement un département. La population est composée en grande partie d'agriculteurs qui vivent au milieu des terres qu'ils cultivent. Nous découvrons le village dont la majorité des ateliers et boutiques se groupent le long du "goudron", la route nationale qui relie Ouagadougou à Bobodioulasso. Comme les animaux se promènent librement dans les rues, en quête de nourriture, on croise fréquemment des chevrettes, des brebis, des ânes, des poules, dont la présence anime l'agglomération. Cela contraste avec nos villes qui ne sont plus peuplées que de chiens, de chats et plus librement, d'oiseaux.
Au milieu de l'esplanade qui constitue le terrain paroissial, avec l'église, le presbytère, les locaux d'accueil et de réunion, un forage équipé d'une pompe que l'on peut motoriser ou actionner à la main, permet aux familles de venir s'approvisionner en eau potable, car l'alimentation en eau courante est encore rare dans les maisons (celle du Père Frédéric n'en dispose pas encore). Cette corvée d'au est celle des enfants et des femmes qui transportent jusque chez eux leurs bidons une fois pleins sur de petits chariots.
Le tambou naba
Nous sommes invités à rencontrer le tambou naba, une sorte de ministre de la Reine, qui est chargé de nous souhaiter la bienvenue. Il nous accueille brièvement dans sa modeste maison traditionnelle, et nous adresse quelques mots pour nous remercier de notre projet, mais sa connaissance du français limite quelque peu nos échanges. Néanmoins, nous sommes honorés par sa démarche qui tend à montrer que les autorités coutumières veulent ainsi nous accueillir.
Ecolières et écoliers
Sa maison est à proximité d'une école primaire et comme il est l'heure de la sortie des classes, nous nous trouvons très rapidement entourés d'enfants, curieux de voir des "nassaras" (blancs) et désireux de figurer sur leurs photographies. Le nombre d'enfants en bas-âge, en âge scolaire, adolescents, est surprenant pour les habitants de nos nations vieilllissantes. Nous en verrons beaucoup, partout où nous nous rendrons. C'est une agréable présence, car les enfants aiment parler avec nous, facilitent les échanges avec les parents, sont très vite affectueux. Les besoins en matière d'instruction sont importants, et nous incitent à ne pas nous décourager dans la poursuite de notre projet.
Le dispensaire de Kokologho
Le Père Frédéric nous invite à nous rendre ensuite au dispensaire de Kokologho, géré par une association locale et soutenu par le financement d'une ONG suisse, un exemple intéressant pour nous, puisqu'une association locale peut relayer sur le terrain la volonté d'une ONG de fournir les fonds nécessaires. Il s'agit, nous en sommes conscients, d'une organisation d'une autre dimension que notre petite association, mais ici le personnel est salarié. Nous entamons une agréable conversation avec le directeur du dispensaire et deux jeunes infirmières. D'après le président de l'Association, aucun permis de construire n'a été nécessaire, et le terrain a été octroyé par les autorités coutumières locales.
Avec le Père Frédéric et le président de l'association qui gère le dispensaire.
Sur la petite vidéo ci-desssus, une femme, à l'écart du dispensaire, prépare à même le sol, sans s'accroupir, sur un feu de branchage, ce qui semble être son repas du soir. Bien des habitants du Burkina Faso vivent ainsi dans la précarité.
Pour faire connaître aux autorités notre présence dans le village de Kokologho nous présentons à la gendarmerie. Plus tard, le Père Frédéric tient à nous faire connaître le seul "supermarché" de Kokologho, de sorte que nous puissions d'une certaine manière mesurer le décalage entre notre niveau de vie et celui des habitants de ce village.
Lorsque nous nous reposons au noviciat des soeurs de Saint Gildas, nous goûtons à la fois la beauté de ce jardin d'Afrique à la saison sèche et la sérénité d'une petite communauté religieuse dont la journée est rythmée par les prières et les chants de louange.
La Chapelle du noviciat des soeurs de Saint Gildas
Jeannette K. Yameogo
Jeannette K. Yameogo, qui fut maire de Koudougou de 2000 à 2006, nous a accueillis, nourris, transportés, guidés au cours de notre séjour, à la demande du Père Frédéric. Sa forte et joyeuse personnalité fut un des éléments du plaisir de notre séjour au Burkina.
Le 13 janvier, nous nous déplaçons à Ouagadougou, pour changer nos euros en francs CFA à la Conférence Episcopale, rencontrer les soeurs de l'Annonciation de Bobodioulasso auxquelles nous devons remettre des colis confiés par les soeurs de Rognonas, et rencontrer la Reine de Kokologho, Blandine Kaboré, qui séjourne à Ougadougou en raison de son état de santé.
Les militaires sont présents dans les rues de Ouagadougou,
en raison de la menace terroriste.
Nous traversons les rues de Ouagadougou étonnés par la densité de population, les boutiques serrées le long des rues, la rareté des constructions à étage. La plupart des rues ne sont pas goudronnées, mais constituées de latérite damée par la circulation, qui soulève une fine poussière rouge envahissante et vite familière. L'arrivée à la Conférence Episcopale du Burkina Niger, avec ses bâtiments élégants à l'architecture inspirée par l'esthétique africaine nous laisse penser que l'Eglise Catholique, minoritaire dans le pays, (10% de la population) tient à offrir un visage bien affirmé.
La Conférence Episcopale du Burkina-Niger
à Ouagadougou
Venus à la Conférence Episcopale pour changer des euros en francs CFA, nous rencontrons des évêques du Burkina et du Niger que le père Frédéric connaît bien, et qui l'accueillent avec grande sympathie. Nous allons ensuite rendre visite à la Communauté des Soeurs de l'Annonciation de Bobodioulasso, dans une rue de Ouagadougou où elles résident, pour leur remettre les colis dont les soeurs de Rognonas, qui appartiennent à la même communauté, nous ont chargés. C'est l'occasion de faire connaissance avec d'autres religieuses de cette congrégation, et de rencontrer le frère aîné de Soeur Anne, qui réside à Ouagadougou.
Dans l'enceinte de la cathédrale de Ouagadougou,
rencontre avec le frère de Soeur Anne
Deux des soeurs de l'Annonciation
de Bobodioulasso, à Ouagadougou
Leur communauté est dans une rue de Ouagadougou, semblable à beaucoup d'autres rues en terre battue, où se côtoient habitants et animaux domestiques, petites chèvres vives qui cherchent leur nourriture, zébu installé à l'ombre d'une natte tressée en "secco", et petits chiens, tous de même race, alanguis sur le sol de latérite. Bien qu'on soit à Ouagadougou, la vie s'organise comme dans les autres petites villes ou villages du pays, ce qui nous surprend et nous séduit.
Des femmes s'affairent à leur cuisine devant leur porte, assises sur des sièges improvisés ou accroupies sur leurs mollets.
Les religieuses nous accueillent quelques minutes dans leur communauté, nous offrent des rafraîchissements, y compris des bouteilles de bière, qui sera notre boisson préférée pour nous désaltérer au cours du séjour, la faible hygrométrie de l'air nous y invitant très souvent. Ayant accompli notre mission (nous saurons un peu plus tard que nous aurions dû remettre tout le matériel médical confié par le directeur du collège Alpilles-Durance à Rognonas, mais ce fut un malentendu) nous nous préparons à rencontrer la reine de Kokologho, Blandine Kaboré.
A moto, à bicyclette ou à pied, les mamans
portent leur enfant en bas âge
Heureusement, nous sommes guidés par le Père Frédéric, sinon, il nous serait difficile de trouver notre chemin dans le labyrinthe des rues de Ouagadougou, où les habitants se fient à leur mémoire et non aux panneaux indicateurs fort rares. Comme nous sommes néophytes, nous ne distinguons pas les repères utilisés par les initiés pour s'orienter. Il semble que toutes les boutiques se ressemblent, parce que notre regard est encore peu accoutumé, surpris par les habitudes urbaines imposées aux Burkinabés par le niveau de vie, d'équipement et les moeurs. Les deux roues sont majoritaires dans les rues, petites motos silencieuses et pratiques, bicyclettes parfois chargées comme des bêtes de somme, taxis verts en mauvais état, mamans portant leurs enfants dans le dos.
La video ci-dessus donne une idée de la circulation en ville.
Un taxi à Ouagadougou
Devant la maison de la Reine, à Ougadougou
Blandine Kaboré, Reine de Kokologho
Il est difficile de décrire notre état d'esprit devant la porte en métal peinte en bleu de la maison de la Reine de Kokologho. Comparée aux autres demeures, celle-ci semble d'un confort plus accompli, et notre légère attente évoque l'antichambre d'un palais. Quelle que soit l'importance du "royaume" de la Reine, sa personne jouit d'une grande autorité, conférée par le respect des sujets de Kokologho et le crédit dont bénéficient encore au Burkina Faso les chefs coutumiers, qui, s'ils n'ont pas le droit de se présenter à des élections, ont un rôle encore important dans la distribution des terres et la résolution de conflits locaux.
Blandine Kaboré a été institutrice, son mari est décédé il y a quelques années, et n'a pour le moment pas été remplacé, leur fils, médecin à Bordeaux, étant le successeur héréditaire. La Reine nous reçoit très aimablement, et nous exprime son regret d'avoir été contrainte de venir quelque temps se soigner à Ouagadougou, mais elle sera avec nous le jour de la pose symbolique de la première pierre. Son expression est mesurée, majestueuse pourrait-on dire, nous tenant poliment à une certaine distance, que nous ne nous sentons pas de réduire par une maladroite familiarité. Nous avons cependant rencontré la Reine, qui nous conforte dans notre projet.
Une mosquée à Ougadougou
Il nous faut maintenant retourner à Kokologho, et nous préparer pour rejoindre demain matin la ville de Yako, où le Père Frédéric participe à une cérémonie en l'honneur des défunts, traditionnelle chez les catholiques du Burkina Faso. Le retour nous permet encore une fois de traverser Ouagadougou, et d'y constater la présence importante de l'Islam, religion plus implantée que le catholicisme, qui ne représente que 10% de la population.
Transport d'un zébu
Moins de 50 kilomètres séparent Ouagadougou de Kokologho, mais il faut une bonne heure pour les franchir, tant la circulation y est contrainte par le péage, la limitation de vitesse à 40 à l'heure et les nombreux et imposants gendarmes couchés qui ralentissent le trafic. Les moyens de transport sont hétéroclites mais le flux de piétons, voitures, carioles, fourgonnettes, bicyclettes et motocyclettes y est continu.
Ces charrettes attelées à un âne sont fréquentes
Le samedi 14 janvier 2017, nous rejoignons Yako, plus au nord, à 134 km et 2h30 de route. Nous devons ne pas tarder, afin d'arriver pour la messe, à l'église Saint Jean-Marie Vianney.
Sur la route de Yako, un des nombreux villages
Le voyage nous permet de découvrir le paysage monotone mais séduisant de la plaine africaine, où dominent les sols de latérite rouge, où poussent malgré la sécheresse des arbres toujours verts. Les villages y sont faits de petites maisons modestes, simples cubes de briques de torchis, percés d'une porte et d'une fenêtre, héritiers des cases rondes d'autrefois.
L'église de Yako, comparable dans sa structure aux autres églises catholiques du Burkina Faso, avec sa charpente métallique, son grand toit de tôle, dont la climatisation est assurée par de grands ventilateurs, est imposante, au milieu de l'espace paroissial Jean-Marie Vianney. Les chants ont commencé, les femmes et les fillettes vêtues de leurs pagnes et boubous de cotonnade, de wax ou de basin s'avancent en groupes élégants vers les entrées latérales de l'église.
Les étoffes de couleurs vives et contrastées choisies pour décorer l'intérieur de l'église créent une ambiance festive et joyeuse, avec de sobres moyens. La chorale lance des chants rythmés, avec des voix dont les vibrations profondes et les notes aiguës nous émeuvent, tant elles expriment une joie collective de célébrer, avec les balancements de hanche des femmes, des hommes et des enfants.
Les homélies interpellent les fidèles qui répondent par un "amen" très grave ou des rires provoqués par les anecdotes édifiantes du célébrant. Nous ouvrons grand yeux et oreilles à un spectacle inédit pour nous, bien que la messe se déroule ainsi que nous en connaissons le canon.
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